L’encre de Chine, avec sa profondeur et sa fluidité, agit comme un puissant ancrage pour les traces que nous laissons à travers nos gestes, porteurs de la mémoire corporelle. Elle incarne à la fois le médium et le message, devenant ainsi une métaphore visuelle de l’acte de création.
La mémoire et la trace se manifestent dans la persistance des techniques, des styles et des innovations et perpétuent cette mémoire en inscrivant leur propre empreinte dans la tradition de l'encre de Chine. L’encre devient un véhicule de mémoire artistique, où chaque œuvre témoigne de l'histoire tout en contribuant à sa continuité. En explorant en détail les caractéristiques de ce médium et en le replaçant dans son contexte historique, philosophique et artistique, mon objectif était d'analyser son utilisation, notamment dans la calligraphie chinoise, ainsi que son intérêt artistique et son évolution depuis ses débuts jusqu'à nos jours. Ma démarche pour ce mémoire visait à éclairer les différentes facettes de ce liquide indélébile et à dévoiler la sensibilité du geste dans l'expression artistique.
L'écriture asémique.
L’écriture asémique est une forme d’expression artistique où les caractères et les symboles écrits ne sont pas liés à une signification linguistique spécifique. Les artistes utilisent des formes, des lignes et des motifs pour créer une composition visuelle qui évoque des émotions, des sensations ou des idées sans recourir à une langue écrite conventionnelle. Dans l’écriture asémique, les marques peuvent ressembler à des caractères alphabétiques ou à des hiéroglyphes, mais elles ne représentent pas de mots ou de phrases déchiffrables. Des artistes comme Henri Michaux explorent la texture, le mouvement, la forme et la gestuelle pour créer des œuvres et des poèmes qui restent ouverts aux multiples interprétations.
Henri Michaux, Sans titre, 1956. Encre de Chine sur papier. Henri Michaux, Peinture à l'encre de Chine, 1959. Encre de Chine sur papier.
C’est à partir de ces recherches sur l’écriture asémique que je me suis penchée sur le travail de ma propre écriture. En prenant en compte le médium, l’encre de Chine, sur différentes surfaces telles que le papier, le textile et la céramique. Les résultats que je propose de ces expérimentations sont ces représentations graphiques sur de la toile de coton, ou encore le papier céramique que j’ai voulu développer d’après mes recherches de mon mémoire pendant la première partie de l’année.
Textiles encrés : toile de coton et encre de Chine.
Papier céramique : grès de coulage blanc et décors grès noir.
La trace la ligne, matière vivante.
La notion de trace s’est avérée fondamentale, me permettant de considérer chaque œuvre comme une archive des gestes, des intentions et des émotions. La trace n’est pas seulement ce qui reste visible sur la terre (ou autre surfaces), mais aussi ce qui est ressenti et interprété par ceux qui contemplent. Elle maintient l’éphémère et ke rend tangible tangible.
Volume céramique : grès de coulage noir et blanc.
L'esprit de l'encre.
Dans mon projet, l’encre est donc un instrument pour l’expression abstraite, où les lignes sans signification directe se mêlent pour créer un langage visuel. Cette étude de l’expression, de la pratique du geste et de l’écriture abstraite par l’encre m’a permis de mieux appréhender le rapport entre le corps et la terre. Elle me permettait de créer un connecteur entre la céramique et l’expressivité du geste encrée qui s’offre aux regards et à la perception des autres, leurs permettant d’accéder à des pensées qui n’ont pas nécessairement été traduites par la raison.
Recherches d'émaux couleur encre sur une assiette.
Sur le choix des couleurs, je me suis concentrée uniquement sur le noir et le blanc. Dans un souci d’équilibre, d’harmonie et de contraste, j’avais envie de mettre en avant deux entités qui à la fois se complètent et s'opposent. Ce principe de contraste sont des questions essentielles dans mon travail. En exploitant le simple antagonisme des valeurs de ces couleurs, elles font apparaître nettement les contours de leur sujet. Cet aspect épuré me semblait être plus percutant, et exacerbe la perception du réel : placées sur un fond contrasté, les formes, écritures surgissent et s'imposent, noires sur blanc, blanches sur noir.
Technique d'impression phototypographie sur engobe de porcelaine, pièce en grès blanc.