MATIÈRE ALCHIMIQUE : altération d’argile
Si selon Joseph Delboeuf, chimiste, biologique « dans la nature toute combinaison si stable qu’elle soit, est toujours instable en quelque façon », la stabilité de la matière résulte alors de l’instabilité de tous ses constituants. Lors de transformations physiques, structurelles, mécaniques... Des changements permanents apparaissent, évoluent. Ils laissent en elle des traces.
La matière céramique est, elle, constituée d’une multitude de feuillets microscopiques qui varie dés lors que l’on manipule la matière, qu’on lui inflige des chocs ou des transformations dans les gestes de sa préparation ou bien dans la cuisson, temps qui lui permet de devenir pérenne, qui la fige, qui la fixe... L’argile est ainsi une matière subissant de nombreuses altérations. Elle est un complexe d’altération.
C’est dans cette complexité que s’inscrit mon projet, dans l’étude des modalités d’altération de la matière. Ainsi : Que se passe-t-il quand nous venons altérer sa composition ? Quand divers éléments extérieurs sont ajoutés à la matière ?
« L’altération considérée comme un changement en mal, une dégradation de quelque chose dû à une action, un paramètre externe ou interne (....) », représente souvent un changement, le passage d’un état à l’autre, considéré anormal, inférieur. Elle est le début d’un processus de décomposition dont la finalité est la disparition. D’où dans la pensée collective, un synonyme de dégradation.
Pour autant l’altération n’est pas forcément quelque chose de négatif. Selon Hervé This, dans la cuisine, les aliments subissent une altération bénéfique comme par exemple la réaction de Maillard qui en améliore la texture, développe des qualités physiques et structurelles de la matière et finalement, propose une transformation physico-chimique progressive de ses constituants. C’est une altération comme « changement, passage, transformation d’une substance en une autre » telle qu’elle est définie par Michel Blazy qui m’intéresse alors.
Comme en cuisine, temps de l’altération bénéfique des aliments, les gestes et actions vont induire l'altération bénéfique de l'argile et entrainer sa transformation. Ainsi, émulsionner, fouetter, chemiser, incorporer, ou encore inciser… Additionner lui des ingrédients et alors l’argile devient mousseuse, bulleuse lorsqu’on lui injecte de l’air, en l’émulsionnant avec des blancs d’œuf. Lorsqu’on lui rajoute de la levure ou de la lessive, elle devient friable, granuleuse puis grumeleuse et imperméable. Elle se colore, se corrode ou se ronge lorsqu’on lui injecte les oxydes de fer présents dans des lentilles ou du métal.
Ainsi en modifiant la structure du matériau argile, en déplaçant et en modifiant les protocoles de fabrication de la pâte céramique, je tente de proposer de nouvelles recettes de pâte céramique et plus largement de nouveaux matériaux. Un « effet alchimique » peut se produire, de nouvelles matières apparaissent et se créent par les simples gestes et ingrédients ajoutés à la pâte d’argile.